La forêt de Hambach qui est située entre Cologne et Aix-la-Chapelle en Rhénanie du Nord-Westphalie, est une des forêts les plus vieilles et la dernière forêt primaire d‘Europe centrale. Elle existe depuis 12 000 ans, ce qui est exceptionnel. À un moment donné la forêt faisait 5 500 ha. Maintenant il ne reste que 1 100 ha, le reste ayant été détruit par la RWE (Reinisch-Westfälisches Elektrizitätswerk) et par l’exploitation d’une mine de lignite à ciel ouvert. Pour les activistes vivant dans la forêt, il ne s‘agit pas juste de protéger la forêt, c‘est aussi une question de changement climatique, de santé, de relocalisation, d‘expropriations et de qui prend les décisions.
J’ai pu visiter cette forêt du 12 au 22 février 2020, et si on va dans cette forêt, si on s’y détend, si on y flâne, si on la dessine, ou si on la défend, on la saisira autrement qu’en termes de chiffres, de ressources de lignite, ou de données. On y découvre une autre perception que celle utilitariste du territoire. Un autre rapport au monde peut alors se construire, fait d’espaces boisées, avec de grands arbres, ou bien de petits bosquets, de sapinières, et de plusieurs réseaux d’habitats au plus proche de la nature. Ce qui m’a frappé lors de ma première visite, c’est sa verticalité. C’est peut-être d’abord cela une forêt et ce que l’on a envie d’y défendre : un élément vertical mais aussi quelque chose qui, contre l’absurdité du monde administré, peux se déployer et inviter à de nouveaux rapport à soi, aux autres, et au monde.
Il n’est pas tant question ici de ce que nous imaginons communément d’une forêt que des usages et des liens que nous entretenons avec les forêts. Il s’agit ici de voir comment nous sommes une part d’elle. Cette forêt de Hambach n’est pas tant ce bout de nature sauvage qu’une certaine composition tout à fait singulière de liens, d’êtres vivants, et de manière de penser le monde. Cette forêt, c’est surtout une réalité sensible, une façon singulière d’habiter le monde, de le penser en dehors de toute forme de domination, de l’imaginer, et de s’y attacher. Ceux qui habitent cette forêt luttent pour la justice climatique qui est aussi un combat pour un monde sans dirigeants et libre des forces capitalistes. C’est un combat contre un système de domination, de destruction et de hiérarchie. Dans tous les cas, et c’est ce qui rend cette forêt particulière à mon sens et me donne envie de la dessiner, elle offre un espace d’émancipation individuel pour tou-te-s. Cette forêt, avec d’autres comme à Notre-Dame-des-Landes, Bure, Gorleben, etc, permet surtout aux imaginaires de s’intensifier.