Juste avant mon retour pour un petit mois à Mulhouse, je découvre cette forêt à quelques kilomètres du Luxembourg. Très petite en superficie (107 hectares), elle offre tout d’abord un petit bois, puis dévoilant tour à tour de fabuleux paysages : pelouses calcaires ensoleillées, vallons frais et affleurements rocheux, ponctués de milliers de fleurs et de papillons…
Je suis littéralement dans un autre monde, un jardin d’Eden, tel qu’il a pu exister il y a 7 000 ans, coupés de la civilisation!
Cette forêt permet l’épanouissement de plus de 500 espèces végétales, dont 24 espèces d’orchidées sauvages, de plus de 600 espèces de papillons, d’oiseaux, d’insectes (dont lézards et salamandres, etc…).
A ce point, je me réjouis et en même temps j’appréhende de découvrir dès janvier 2020 la forêt de Hambach en Rhénanie-du-Nord-Westphalie qui risque d’être déboisée fin 2020 pour pouvoir y exploiter une mine de charbon.
Ce
qui est impressionnant c’est qu’aujourd’hui
les principales forêts qui protègent notre planète du
réchauffement climatique et qui abritent de nombreuses espèces
animales et végétales sont condamnées et détruites
et
laissent
place aux élevages, aux zones industrielles
et aux habitations.
Nous
mêmes, nous vivons de plus en plus déliées de la présence de la
nature et
de
son devenir.
En découvrant la réserve naturelle de Biesetal, je me suis souvenu d’une citation de Karl von Linné que j’avais découverte au Museum d’Histoire Naturelle de Berlin et dont une exposition traitait de l’appauvrissement de notre biodiversité. : « In den kleinsten Dingen zeigt die Natur die alergrössten Wunder/Dans les plus petites choses, la nature montre les plus grandes merveilles de toutes».
C’est
en
pénétrant cette forêt avec
de
grands arbres, et
une
végétation luxuriante, que
l’on
se rend compte soudainement du sens de cette citation et
de la richesse de la nature, mais
aussi de la perte de celle-ci et
de la biodiversité dans
la plupart de nos bassins de vie.
Ce
qui est fou c’est qu’actuellement
l’on
parle désormais d’avantage de « progrès », de ce mot
obstinément aveugle que de « beauté ». A quelle
occasion au
juste parle-t-on
encore de beauté ?
A l’heure où le changement climatique est une problématique majeure qui nécessite de repenser nos manières de vivre, la beauté de la nature peut nous inviter à appréhender le devenir du vivant.
Après m’être immergé dans les forêts primaires de demain en Forêt Noire pendant plusieurs jours et avoir découvert ces zones protégées de toute interventions humaines (Simmonswald /Sankt-Peter) où la nature reprend peu à peu une forme sauvage, je décide de partir dans un univers plus urbain. Berlin est parfait pour la suite de ce parcours. Cette ville me permet de confronter ces expériences de nature à la réalité d’une ville-monde où se côtoient un peu moins de 4 millions d’habitants. Ces premiers jours à Berlin et dans ses différents districts me permettent d’affiner mon regard en parcourant un certain nombre d’expositions et de musées.
Une exposition temporaire attire particulièrement mon attention puisqu’elle est dédiée à l’explorateur et naturaliste Alexander von Humboldt. Ce personnage, qui est à l’origine de l’Université de Berlin est actuellement célébré en Allemagne et dans le monde autour des 250 ans de sa naissance. L’occasion est parfaite pour découvrir ce personnage et poursuivre les lignes directrices de mon voyage en Allemagne. En parcourant les allées de l’exposition consacrée à Humboldt au Musée de l’Histoire allemande de Berlin, on peux trouver un écho aux prises de consciences actuelles autour de la sauvegarde de la biodiversité. C’était un peu le Greta Thunberg de son époque et surtout il attise ma curiosité par son regard sur la nature et les territoires au tournant du 19ème siècle. Son approche de la science en intégrant les Beaux-Arts, la botanique, la géologie ou la minéralogie me paraît intéressante actuellement au regard des thèmes artistiques que je développe. Les questionnements soulevés à la suite de cette visite me donne de nouveaux angles d’approche pour traiter les forêts primaires de demain en Allemagne.
A la suite de cette visite et de la découverte de la cosmologie de Humboldt, l’occasion était parfaite pour découvrir les forêts proche de Berlin. Le U-Bahn me transporte d’une ville-monde à une forêt quasi vierge du Brandebourg (Briesetal). La forêt de Briesetal est considérée comme une réserve naturelle de biodiversité (Naturschutzgebiet).
La découverte de cette réserve de biosphère me permet de collecter les prises de vues à la réalisation d’une nouvelle série de dessins autour des forêts et de réserves naturelles tout en appliquant le principe de la géographie artistique. Cette géographie artistique je la conçoit comme une captation esthétique du monde. Après avoir visité les forêts primaires de demain en Forêt Noire me voilà maintenant dans cette réserve de biosphère du Brandenburg et où je peux maintenant mettre en perspective la richesse extraordinaire des œuvres graphiques de Humboldt et qui peuvent s’incarner actuellement dans divers récits plastiques.
Tenter
de représenter les « Urwald
von morgen »
est l’un de ces récit.
Infos sur Alexander von Humbolt :
Il est un naturaliste, géographe, explorateur allemand, mais également dessinateur et graphiste né le 14 septembre 1769 à Berlin et mort en 1859. Par la qualité des relevés topographiques et des prélèvements de faune et de flore effectués lors de ses expéditions, il a fondé les bases des explorations scientifiques. Il appliquait à la Terre la vision grecque antique de l’ordre du cosmos (l’harmonie de l’univers), suggérant que les lois universelles s’appliquaient aussi bien au chaos apparent du monde terrestre. Humboldt suggère ensuite que lorsque l’on contemple la beauté du cosmos, on peut obtenir une inspiration personnelle et une prise de conscience bénéfique, bien que subjective, de la vie et de la nature.
Les forêts de Bannwälder sont des endroits passionnants. Ici la forêt peut être n’importe quoi, mais avant tout une forêt sauvage. Arbres abattus, treillis squelettiques, bois mort recouverts de fougères et de lichens, rhizomes étranges et arbustes impénétrables. Les Bannwälder sont les archétypes de la Forêt-Noire. Sauvage, puissant et magiques à la fois. En eux poussent les forêts primitives de demain. Ici vous pouvez ressentir le pouls de la jungle.