Le point de départ est la marche. Je traverse des territoires, ici ou plus lointain. Des territoires qui m’interpellent. Ceux dont les écosystèmes anciens sont menacés et qui se modifient sous l’effet des activités d’exploitation des ressources naturelles. Il y a aussi cette notion de traversée. D’un territoire à un autre, d’une frontière à une autre, d’un sous-bois vers un espace vide. Je suis attiré par ce processus. De la collecte de fragments de paysage par le médium photographique d’une part, vers sa transcription, traits par traits sur le papier d’autre part. Ce procédé est vite devenu pour moi un moyen d’immersion didactique dans ces horizons fragilisés.
Je choisi d’arpenter les lieux le plus souvent à pied dans le souci d’une approche lente qui rend les paysages progressivement familiers jusqu’à une forme d’immersion. Ces itinérances au travers de nombreuses régions me poussent à explorer les sites majeurs responsables du dérèglement climatique et qui favorisent les émissions de gaz à effet de serre.
De cette immersion je retient des panoramas géolocalisés pour la plupart et présentant tous une dichotomie entre deux mondes : des représentations de la nature peu anthropisées sont en contraste avec des sites transformés et fragilisés. Le dessin me permettant de rendre compte de façon plus profonde les problématiques actuelles concernant les ressources naturelles et humaines, l’exploitation et l’occupation des sols ainsi que notre incidence sur la vie plurielle.
C’est au retour à l’atelier que je trouve l’isolement nécessaire pour laisser advenir ces impressions accumulées et c’est dans la lenteur obstinée des milliers de traits de plume que je refais corps avec chaque anfractuosité de ces paysages entamés. Le temps continuant son œuvre, je rends compte alors d’un moment déjà passé ou d’une disparition annoncée comme celle des forêts dans lesquelles je me fonds au plus près du sol, retrouvant dans l’échelle d’un taillis toute la puissance de la forêt entière. Cette tentative de lutte contre l’oubli et le basculement des repères par une technique artistique attachée au détail cherche à rendre compte trait après trait de la mutation des espaces.
Mes paysages se veulent alors être l’archétype des territoires où l’humain impacte les trajectoires évolutives du vivant. En chacun d’eux, se révèlent des espaces réels qui peuvent être ceux d’Allemagne, de France ou d’ailleurs. Mes cheminements me poussent à produire des images visant à redéfinir notre rapport au vivant en tissant des liens sensibles avec la vie sauvage et sur la place que nous y occupons.
Les grandes forêts qui abritent de nombreuses espèces animales et végétales sont détruites. Notre monde est de plus en plus hostile à la vie plurielle et à la complémentarité des collectifs composites et afin de créer les conditions de notre vie occidentale moderne, nous sommes contraints de créer des espaces de non-vie.
Quelles relations entretenons-nous aujourd’hui avec ces milieux ?
Les paysages que j’ai traversés sont par définition appelés à disparaître. De cette accumulation de données visuelles je tente de reconfigurer un espace, le notre, celui que nous perdons.